Parachat Matot-Maasei Print Version
טפנו נשינו...יהיו שם Nos jeunes enfants, nos épouses… seront là-bas (Bamidbar 32, 26) J'ai un jour fait la connaissance d'un juif 'hassidique de Brooklyn, New York, qui m'a raconté l'histoire suivante : Les allemands étaient sur le point de conquérir la ville de Varsovie. Ma mère, enceinte, habitait là-bas. Mais elle a eu un souci médical et a eu besoin de consulter un médecin en toute urgence. Alors elle s'est enfuie du ghetto, et elle a pu rencontrer une doctoresse chrétienne. Cette dame appartenait à une des vieilles familles aristocratiques polonaises. Après s'être occupée du problème en question, la doctoresse a dit à ma mère : "Etes-vous consciente des risques que vous encourrez, de retour au ghetto ?" "Oui", a répondu ma mère. Alors la doctoresse émit une proposition surprenante : "Restez chez moi. Je prendrai soin de vous." "Mais je ne peux pas abandonner mon mari", répondit ma mère. "Emmenez-le ici aussi !" "Mais je ne peux pas non plus abandonner ma famille !" "Alors emmenez-les tous !" Ma mère retourna au ghetto et fit part à mon père de cette proposition. Mon père répondit : "Mais je ne peux pas abandonner ma famille !" C'est ainsi que pas moins de treize personnes – à savoir mon père, ma mère et leurs familles respectives – se réfugièrent chez la doctoresse. Elle les installa dans son grenier, et ils y demeurèrent cachés pendant vingt-deux mois. Y compris lorsque des officiers nazis s'étaient installés de force chez elle. Dans ce grenier, il n'y avait pas de toilettes, et il n'y avait ni nourriture ni boisson. Mais la doctoresse, à elle seule, les prit à sa charge et subvint à tous leurs besoins. Après cette période de vingt-deux mois, elle parvint à les faire sortir de Pologne, et tous arrivèrent sains et saufs à New York. Chacune de ces treize personnes avait survécu à la guerre grâce au dévouement de la doctoresse. Quelques dizaines d'années plus tard, un des petits-enfants des survivants se fiança à New York. Les membres de cette famille décidèrent d'essayer de retrouver leur bienfaitrice avant le mariage afin de l'y inviter. Ils se rendirent en Pologne et ne ménagèrent pas leurs efforts pour la retrouver. Finalement ils réussirent à la rencontrer. Elle était déjà âgée mais elle était prête à parcourir les quelques milliers de kilomètres qui la séparaient de New York pour assister au mariage ! Au mariage, deux cent personnes se prirent la main et dansèrent autour d'elle. Tous étaient "ses" descendants : il s'agissait en effet des enfants, des petits-enfants et des arrière-petits-enfants des treize personnes qu'elle avait sauvées au péril de sa vie soixante-quinze ans auparavant. Tout le mérite lui revenait ! Lors du repas de mariage, quelqu'un lui posa la question qui les perturbait tous depuis des années : "Comment avez-vous pu risquer votre vie ? Qu'est-ce qui vous a poussé à mettre votre vie en danger pour sauver des Juifs ?" Elle répondit : "J'ai lu la Bible. J'ai lu que lorsque D. a voulu détruire la ville de Sodome, Abraham a négocié avec Lui. 'Et si cinquante justes habitent là-bas, sauveras-Tu la ville ?' D. répondit 'Oui'. 'Et pour quarante-cinq justes ?'. 'Oui', avait répondu D. encore une fois. " Et moi, " conclut la dame, " j'ai choisi d'agir à l'image d'Abraham." Elle a pris soin de treize individus et leur a sauvé la vie nonobstant sa fatigue et le danger qu'elle encourrait. Elle leur a offert la vie. Et elle a eu le mérite, des dizaines d'années plus tard, de constater de ses propres yeux les dividendes extraordinaires qu'avait rapportés son sacrifice. Une action lointaine, mais des répercussions jusqu'à aujourd'hui encore. La doctoresse aurait pu penser qu'elle sauvait treize personnes, mais cela aurait été sans compter la suite de l'histoire… Elle sauvait en réalité des parents, des grands-parents, des arrière-grands-parents, des arrière-arrière-grands-parents, et ainsi de suite ! Nos Sages enseignent en effet : "Quiconque sauve une vie est considéré comme s’il avait sauvé un monde entier" (Sanhédrin 37a). Nous devrions considérer chacune de nos actions avec cette optique : les répercussions se poursuivent pour l'éternité ! |
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Rabbanith Slovie Jungreis-Wolff Après la naissance de ma fille, je suis allée rendre visite à ma grand-mère, que j'appelais "Mama". Mama était petite de taille, et tellement pleine de vie ! Elle portait une affection particulière aux enfants, aux bébés, et au bruit ! Tout ceci était pour elle synonyme de vie, elle qui était passée par l'enfer de Bergen-Belsen. Elle chérissait les enfants et les bébés, et même leurs pleurs ! Je suis donc entrée chez Mama avec mon tout nouveau bébé. Mama était assise dans la cuisine. Elle prit le nourrisson, et commença à lui chanter une berceuse hongroise, que sa propre grand-mère lui chantait lorsqu'elle-même était enfant. Elle me jeta ensuite un regard plein de larmes et me dit : "Dans mon existence, je suis passée par une époque tellement dure que je n'étais sûre en allant me coucher que je me réveillerais le lendemain. Je ne savais pas si je pourrais voir à nouveau les rayons du soleil du lendemain ! Et regarde, ma chérie ! Je suis là, en train de porter ma toute nouvelle arrière-petite-fille dans mes bras ! Hachem est tellement bon ! Hachem est tellement bon !" Le temps passa. Mama avait déjà quitté ce monde, et ma fille s'était mariée et installée dans la Ville Sainte de Yérouchalayim. Un beau jour, alors que j'étais occupée à achever les dernières pages d'un de mes livres, je reçus un coup de fil de mon gendre : "Ima, m'annonça-t-il joyeusement. Nous venons d'avoir une petite fille !" En entendant cette merveilleuse nouvelle, je ne pouvais que répéter inlassablement : "Baroukh Hachem !" C'était la naissance d'une nouvelle génération que j'étais en train de vivre là, et je sentais qu'il s'agissait d'un des moments les plus beaux de mon existence. Bien entendu, je réservai le premier vol disponible pour Israël, et à la sortie de l'aéroport, je me dirigeai droit vers Yérouchalayim, pour aller rendre visite à ma fille. Elle était chez elle, son bébé dans les bras. Elle me la tendit, et je serrai fort le nourrisson dans mes bras. Ma fille me dit : "Maman, nous l'avons appelée Myriam, du nom de Mama…" Cette nuit-là, le bébé dormit dans ma chambre. Réveillée par ses pleurs à 5h du matin, je pus voir les premiers rayons du soleil tellement beaux de Yérouchalayim s'infiltrer par la fenêtre de ma chambre. Je pris le bébé dans les bras, et je me mis à lui chanter cette même berceuse hongroise, que j'avais apprise de Mama des années auparavant. Et je dis ensuite : "Mama ! Tu ne savais pas si tu verrais le jour de demain ! Tu ne savais pas si tu pourrais un jour revoir le soleil ! Regarde Mama ! Je suis à Yérouchalayim 'Ir Hakodech, et je porte dans mes bras ton arrière-arrière-petite fille qui porte ton nom !" 'Am Israël 'Haï ! Le peuple d'Israël perdurera pour l'éternité ! Au travers des millénaires, le peuple juif est passé par bien des épreuves et des tourments. Et pourtant, notre flamme ne s'est jamais éteinte, et ne s'éteindra jamais ! Elle restera alimentée perpétuellement par la Bonté et la Compassion de D. pour Son peuple. Et génération après génération, nous aurons toujours le mérite de contempler le cycle du soleil qui se lève puis se couche inlassablement, et de savourer la beauté de la vie ! |
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Rabbanit Kineret Sarah Cohen Nous nous trouvons à présent dans la période de Bein Hamétsarim, ces trois semaines caractérisées par une prise de deuil sur la perte du Beth Hamikdach. Pendant cette période, nous sommes astreints à des lois de deuil, qui doivent nous permettre de ressentir un manque profond. Nous devons prendre conscience du fait que jadis, nous possédions quelque chose de précieux, qui nous a été enlevé. C'est ainsi que lorsque nous passons le seuil de notre maison, nous constatons quelque chose d'étrange : Juste à l'entrée de la maison, il y a sur le mur un carré qui n'est pas peint. Ceci nous rappelle qu’ alors que nous possédons notre chez-nous, Hachem n'a plus Sa résidence sur terre. Nos Sages ont en effet décrété (voir Baba-Batra 60b, Choul'han 'Aroukh Ora'h 'Hayim 560, 1) que nous devions laisser cet espace non peint sur le mur de notre entrée pour nous rappeler de la destruction du Beth Hamikdach. Mais essayons d'aller au-delà de cette explication pour comprendre ce que recèle ce carré à l'aspect tellement morne et triste. La vue d'un espace non peint sur un mur est tellement désagréable ! Il est tellement triste de voir quelque chose qui n'a pas sa place ! Il est tellement douloureux de voir un rappel aussi manifeste du vide présent en nous. Nous sommes confrontés brutalement à une partie de la vie privée de couleur. Le verre est bien là, et il est à moitié vide… Cependant, le sens profond de ce carré dépasse le désespoir et les remords, et son message va au contraire à l'opposé de ces sentiments. Certes, nous passons dans notre existence par des phases désagréables, que nous aurions aimé voir disparaître, mais qui persistent. Mais essayons de voir ce qu'elles ont de positif. Les jours qui précèdent la sombre journée de Tich'a Beav nous permettent de comprendre à quoi rime notre carré apparemment inesthétique. Il nous faut apprendre à dessiner une image positive, dans les limites étroites de la destruction et du deuil. Nous aurons ensuite une perspective de vie grâce à laquelle nous pourrons découvrir la beauté derrière le désespoir et la lumière derrière l'obscurité. Vers la fin de la cérémonie du mariage, le 'hathan, encore sous la 'houpah, casse un verre. Le verre brisé nous rappelle la destruction de Jérusalem. Même alors que l'on célèbre un mariage, nous devons garder en tête au premier plan la perte de la Maison de D. et de Jérusalem. Pourquoi faut-il souligner cet évènement tellement triste au moment même où un couple se marie ? Pourquoi durant ce moment tellement heureux, où les premières pierres d'un nouveau foyer sont posées, faut-il que nous nous focalisions sur la destruction de la Maison de D. ? Cette coutume nous enseigne une leçon primordiale sur la vie en général et sur la vie de couple en particulier. Lorsque tout va bien, on ne saurait parler de perfection et de complétude. Nous avons en effet besoin de sentir qu'il reste encore une étape à traverser. Le verre brisé rappelle aux jeunes mariés qu'ils ne sont pas au plus haut du bonheur : ils doivent encore tendre vers quelque chose de plus élevé, et ils doivent encore progresser tant sur l'échelle personnelle que dans leur vie à deux. La vie n'est jamais peinte de manière parfaite. Il y a toujours plus et mieux à faire pour devenir meilleur et meilleur conjoint. Le 'hathan et la kallah peuvent ainsi poursuivre leur réflexion : comme leurs coreligionnaires, ils ont une aspiration suprême : la reconstruction du Foyer de Hachem. Ainsi, alors même qu'ils se préparent à construire leur propre foyer dans la joie et l'allégresse, ils doivent éprouver un désir ardent de voir la maison de notre Père au Ciel reconstruite. Cependant, même là, au fin fond de l'exil, on peut voir briller une étincelle d'espoir, parce que même au sein de nos tribulations les plus sombres, la désolation n'a jamais été absolue et totale. Se lamentant sur le siège de Jérusalem par les babyloniens, le prophète Yé'hezkiel s'exprime ainsi : "Et Moi [Hachem] Je poserai [la ville de Yérouchalayim] à vide sur ses charbons" (Yé'hezkiel 24, 11). Le midrach note que Yé'hezkiel a qualifié Yerouchalayim de réka – vide, plutôt que chevourah ou haroussa – brisée ou détruite, termes qui auraient connoté la ruine et la destruction. Cela signifie que Yé'hezkiel considérait que la perte du Beth Hamikdach était un malheur temporaire, et non absolu. En effet, il est bien plus facile et envisageable de remplir ce qui est vide plutôt que de réparer quelque chose de détruit. Nous pouvons tous considérer les difficultés de l'existence sous cette optique. Il n'existe rien qui soit totalement détruit. On peut parler de vide ou de non peint, mais il faut toujours garder espoir de remplir le vide et de peindre le non peint avec de la vitalité et de la vigueur ! Ces carrés non peints qui se trouvent sur nos murs refaçonnent donc notre optique de l'existence. On doit comprendre que la présence d'imperfections a pour but de nous parfaire. Les situations pénibles que nous rencontrons nous permettent de nous rapprocher de Hachem au sein même des difficultés, et de trouver du réconfort au travers de Son amour absolu pour nous. Hachem réside justement dans ce carré non peint. C'est cet endroit qu'Il a élu en tant que résidence pour Lui chez nous. Ce carré-là devient notre mini-Beth Hamikdach, et notre chagrin se remplit donc de la présence réconfortante de Hachem. Encore avant Yé'hezkiel, le prophète Yecha'ya s'était exprimé au sujet du lieu de résidence de Hachem : : "Le Ciel est mon trône et la terre est Mon marchepied, quelle maison pourriez-vous Me bâtir, le lieu qui Me servirait de résidence ?" (Yécha'ya 66, 1) Voici pourtant la réponse de Hachem : "Voici pourtant ce que J'aime à embrasser de Mes regards : les humbles, ceux qui ont le cœur contrit, qui s'empressent de répondre à Mes ordres" (ibid. 66, 2). Ceux qui sentent en eux un vide, et qui ne savent plus où se tourner doivent savoir que Hachem élit résidence en eux. Ce carré si morne, qui donne l'impression d'un avenir tellement morose, est pourtant le lieu de résidence de Hachem. Parce que c'est là, dans la pâleur de la vie, qu'un rayon de soleil peut apparaitre. En effet, nous ne devons pas prendre en compte l'apparence pathétique du passé, ou celle lugubre du présent : un rayon de soleil est toujours là, prêt à briller. Si au sein de la catastrophe, nous parvenons à manifester notre aspiration à reconstruire, nous pourrons être certains que nos rêves se réaliseront. Et à ce moment, ce carré non peint prendra des couleurs splendides dont nous pourrons pleinement jouir avec notre Père bien-aimé pour l'éternité ! |
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